Le Devoir - Éducation

Mot de la présidente du Conseil Supérieur de l'éducation

mardi 7 avril 2009

L'évolution d'une problématique: analyse de la Stratégie d'action jeunesse 2009-2014

Le 27 mars dernier, le gouvernement Charest a procédé au lancement de la Stratégie d'action jeunesse 2009-2014

Que nous soyons des futurs enseignants, des professeurs, des chercheurs, des conseillers pédagogiques, des conseillers en orientation ou des intervenants pour des élèves en difficulté d'apprentissage, nous partageons tous la même passion pour la jeunesse, d'où l'importance de prendre connaissance des grandes lignes de ce document.

En ce qui concerne la problématique qui nous intéresse plus particulièrement dans ce document : la réussite éducative des jeunes. J'ai comparé la Stratégie d'action jeunesse 2006-2009 à sa plus récente version 2009-2014.

D'emblée, je dirais que le ton a monté d'un cran pour parler du décrochage scolaire. En 2006, on abordait cette problématique avec l'intention de "mieux prévenir le décrochage scolaire" alors qu'en 2009, on ressent davantage l'urgence d'agir avec l'intention de "combattre le décrochage scolaire".

La compréhension du phénomène a aussi beaucoup évolué au cours des trois dernières années si l'on analyse les mesures proposées dans ces deux documents.

2006-2009 : mieux prévenir le décrochage scolaire

  • Proposer des parcours de formation diversifiés au secondaire.
  • Offrir un soutien accru aux élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage ( EHDAA).
  • Augmenter le temps d'enseignement au primaire de 23h30 à 25 heures par semaine.
  • Ouvrir l'école sur les milieux de vie.
2009-2014 : combattre le décrochage scolaire

  • Enrichir la préparation à l'entrée à l'école des moins de 5 ans.
  • Accompagner les jeunes pour augmenter les facteurs de réussite.
  • Soutenir les régions pour combattre le décrochage scolaire.

Comme on peut le constater, le gouvernement à l'intention d'intervenir encore plus tôt en ciblant, cette fois, les enfants de moins de cinq ans. Ceci à peut-être un lien avec la récente étude longitudinale réalisée auprès de 990 élèves par des chercheurs de l'Université du Québec à Trois-Rivières montrant qu'il est possible de dépister le décrochage scolaire dès la maternelle. D'ailleurs, cette étude coïncide aussi avec le lancement d'un nouvel outil, le Logiciel de dépistage du décrochage scolaire.

Outre ce changement, on remarque aussi la volonté du gouvernement de combattre le décrochage scolaire en soutenant davantage les régions. Suivant l'exemple des récents succès du Saguenay-Lac-St-Jean qui a fait reculer de 10 points le décrochage scolaire depuis le milieu des années 90, la stratégie d'action jeunesse veut soutenir la mobilisation des acteurs régionaux et la création d'instance de concertation en persévérance scolaire. Cette dernière information n'est pas divulguée ainsi dans le document, mais on peut s'attendre à ce que ces instances soient crées depuis que la Ministre de l'éducation à annoncer qu'elle valoriserait les orientations du rapport Ménard pour la persévérance scolaire.

L'intérêt pour les régions dans la Stratégie d'action jeunesse coïncide aussi la publication récente( il y a deux semaines) du Rapport sur l'état et les besoins de l'éducation sur l'éducation en région éloignée: une responsabilité collective.

Voilà pour cette semaine, bonne lecture :) 
 

mercredi 18 mars 2009

Savoir pour pouvoir : Entreprendre un chantier national pour la persévérance scolaire

Selon Jacques Ménard, Président groupe financier BMO et président du groupe d'action sur la persévérance scolaire, le Québec a cruellement besoin de réforme majeures pour renforcer son système d'éducation, améliorer son système de santé et révolutionner sa fiscalité qui taxe l'effort plutôt que la consommation. Il fait de ces thèmes ses trois priorités. Toutefois, pour lui, l'éducation prime : " C'est le plus grand moteur de création de richesse".


Voilà un autre groupe d'acteur qui vient de se joindre à la lutte contre le décrochage scolaire. Toutefois, il semble que celui-ci soit déjà prêt à retrousser ses manches et à agir, contrairement à d'autres acteurs qui sont encore au stade de vouloir créer une commission publique. En effet, M. Ménard peste contre l'habitude des gouvernements "d'impartir la réflexion" pour concocter des politiques publique.

Je vous invite donc à lire le rapport du groupe. Pour obtenir le document, cliquez sur le titre. Bonne lecture!

vendredi 13 mars 2009

La réussite scolaire, un sujet qui fait couler l'encre au Canada et au Québec

Depuis que j'ai commencé mon contrat de travail au CRIRES, il y a deux mois, il ne s'est pas passé une semaine sans que l'on parle dans les journaux du décrochage scolaire ou des enjeux de la réussite scolaire au Québec. Est-il normal qu'on en parle autant? Est-ce devenu une obsession comme le souhaitaient les dirigeants de Carrefour Jeunesse emploi?

D'un point de vue sociologique, on pourrait émettre l'hypothèse que la conscience collective des Québecois et Québécoises préfèrent voir la réalité dans le prisme de la peur de perdre nos acquis en éducation réalisés dans les dernières décennies.

Ma curiosité m'a poussé cette semaine à répertorier le nombre d'articles scientifiques portant sur le sujet dans la base de données spécialisée ERIC ( Education Research Information Center) http://www.eric.ed.gov/. Pour rendre l'exercice encore plus intéressant, j'ai comparé les résultats des différentes recherches par "mot clé " et par "pays ". Voici quelques résultats :




Ce petit exercice montre à quel point la réussite éducative ( academic achievement) est un enjeu important pour les Canadiens et les Québécois. En effet, sur 61635 articles répertoriés, 1823 ont été publiés par des Canadiens et 306 par des Québecois comparativement à 143 pour les Finlandais et 222 pour les États-Uniens.

En ce qui concerne le décrochage scolaire ( dropout, dropout programs, dropout prevention). Les Canadiens et les Québécois sont encore une fois les plus nombreux à écrire sur le sujet. En somme, le Québec produit presque autant d'articles scientifiques sur ce sujet que les États-Unis et le Canada en produit 5 fois plus que les États-Unis et 21 fois plus que la Finlande.

Or, si l'on compare le taux de décrochage de ces pays, il semble que le nombre d'articles scientifiques produits ne soit pas un gage de réussite. Selon une étude réalisée aux États-Unis, the silent epedemic: perspective of school dropout , en 2003 on estimait qu'environ 3,5 millions des jeunes âgés entre 16 et 25 ans avaient quitté l'école avant d'avoir obtenue leur diplôme d'études secondaires. Ce que d'autres auteurs évaluent à 31 % de décrochage scolaire. Selon l'institut de statistique de la Finlande, le taux d'abandon scolaire est de seulement 6 % pour les étudiants inscrits au programme régulier d'éducation secondaire, 4 % pour les étudiants inscrits dans un programme à vocation professionnel et 6% pour les étudiants inscrits dans un programme à l'université.



N'hésitez pas à écrire des commentaires, j'aimerais savoir quelles autres conclusions pourrait-on tirer de ces résultats?


mercredi 25 février 2009

« Nous croyons qu'il est indispensable, afin de faire fléchir les douloureuses tendances présentées, que la société québécoise fasse de la réussite éducative des jeunes non seulement une véritable priorité nationale, mais une obsession nationale. Cette obsession ayant comme seul objectif de qualifier 100 % des jeunes. » Francis Côté et Monique Sauvé – direction des carrefours jeunesse-emploi du Québec


Publié dans le devoir ce matin « Le décrochage scolaire : l'urgence d'agir », cet article est un autre exemple de discours alarmant qui m’interpelle en tant que chercheur en éducation. Pourquoi cette question du décrochage scolaire est-elle aujourd’hui si présente et préoccupante?

Culturellement, c’est important « d’être performant » et « de réussir » au Québec. Cela fait partie de notre héritage nord-américain et ce n’est pas un problème en soi. Au contraire, c’est même quelque chose qui peut nous rendre fier d’être Québécois lorsqu’on à la chance de voyager et de vivre dans une autre société. Par exemple, lorsqu’on vit en France et que l’on doit ouvrir un compte de banque ou un compte chez un fournisseur Internet, on devient vite vendu au système et aux valeurs québécoises. En fait, ce qui me dérange, c’est lorsque le souci d’offrir des services de qualités et d’être performant se transforme en une « obsession nationale ». Jusqu’où allons-nous pousser le mythe de la réussite?

Le danger dans ce genre de discours c’est qu’à force de trop vouloir « réussir », on risque de perdre le sens de nos actions. Or, l’essentiel n’est-il pas d’assurer l’accès aux élèves à des services de qualités ?
Dans mon prochain commentaire, j'explorerai si le discours sur la réussite scolaire est aussi alarmiste dans l'Ouest-Canadien et dans les pays comme l'Australie, la Norvège, les États-unis, l'Allemagne.

mercredi 11 février 2009

Le taux de décrochage, une statistique discutable...

"Ce ne sont pas les chiffres qui m'intéressent, mais plutôt les actions, les moyens et la volonté" Michelle Courchesne - Ministre de l'éducation

Que devons-nous comprendre derrière les propos de Mme Courchesne? N'est-il pas ironique d'entendre de tel propos de la femme qui a réintroduit le bulletin chiffré? Et bien non!


Si la Ministre de l'éducation se refuse à évaluer uniquement le système d'éducation sur la base de données quantitatives comme celle de Statistique Canada sur le décrochage scolaire, c'est parce qu'elle sait que ces études n'ont pas une valeur absolue. Lorsqu'on compare les résultats des études effectués sur le décrochage scolaire au Canada, on se rend rapidement compte des écarts entre celles-ci. En fait, il n'existe pas de méthode standard d'estimation du taux de décrochage et encore moins un définition commune de ce qu'est le décrochage scolaire. Ainsi, pour pouvoir affirmer que le Québec affiche la pire taux de décrochage des provinces canadiennes, après le Manitoba, il faudrait pouvoir valider que nous comparons des pommes avec des pommes. Malheureusement ou heureusement, il semblerait que ça ne soit pas le cas... Sinon comment pourrait-on expliquer que le Québec possède à la fois un taux de diplomation supérieur à la moyenne canadienne et un des pires taux de décrochage scolaire?

"85% des élèves qui entrent au secondaire finissent par obtenir leur diplôme un jour ou l'autre", Michelle Courchesne - Ministre de l'éducation

Comme la Ministre, je trouve plus pertinent pour l'ensemble de la population et pour les travailleurs du domaine de l'éducation de s'évaluer avec un indicateur comme le taux de diplomation plutôt que d'utiliser le taux de décrochage, même si les deux indicateurs ont leurs avantages et leur inconvénients.  

Je m'explique, si l'on calcul que le taux de décrochage scolaire représente tous les élèves qui n'ont pas obtenue leur diplôme d'étude secondaire avant l'âge de 17 ans. Le risque de surestimer le nombre de décrocheur est énorme puisque le résultat obtenue ne tiendra pas compte des élèves qui ont dû reprendre une année scolaire pour de raisons de santé ou parce qu'ils ont tout simplement doublé. Or, le taux de décrochage ne valorise pas la persévérance scolaire et les efforts mises en place pour accrocher les jeunes à l'école. 

Avouons-le, il n'y a pas une mesure qui soit plus exact que l'autre, car il y a toujours des risques de surestimer ou de sous-estimer les valeurs réelles. Néanmoins,  si l'objectif est d'améliorer notre système d'éducation, alors je choisirais de mettre l'accent sur le taux de diplomation afin de le renforcer positivement et de  récompenser le travail des enseignants. Ce choix ne reflète pas un besoin de tourner le dos à un problème ou de faire l'autruche comme certains pourraient dire. Nul besoin d'être psychologue pour comprendre qu'il faut parfois changer de perspective si l'on veut arriver à résoudre un problème. 

Et vous, qu'en pensez-vous?

Pour en savoir davantage sur le sujet, je vous invite à lire le texte Qu'entend-on réellement par décrochage scolaire? de Michel Rousseau et Richard Bertrand dans La réussite scolaire: comprendre et mieux intervenir.

Dans mon prochain article, nous continuerons notre réflexion sur le besoin de valoriser davantage la profession enseignante au Québec. 

mardi 10 février 2009

Objectif: guider le débat sur la réussite scolaire

"On fragilise notre système d'éducation en l'utilisant comme un bonbon
politique" Claire Lapointe - Directrice du CRIRES
La réussite scolaire est un sujet d'actualité qui revient souvent à nos oreilles. Parle parle jase jase... ceux et celles qui utilisent le sujet de la réussite scolaire sont souvent ceux qui en connaissent le moins sur le sujet. Le problème est que l'éducation est un sujet qui intéresse tout le monde et dont tout le monde croit avoir la solution. Conséquemment, plusieurs politiciens voient en l'éducation la voie pour laisser leur trace et le débat sur la réussite scolaire apparaît donc comme le domaine d'intervention idéal. D'autre part, les médias sont aussi très accrochés au sujet. Pour eux, le sujet est croustillant et chaque occasion est bonne pour remettre en question notre système d'éducation ou les performances du partie au pouvoir. Il en résulte une pression énorme sur le dos des politiciens, qui eux même vont mettre de la pression sur les acteurs concernés, et ainsi de suite jusqu'à ce que la réussite scolaire devienne un motif de stress pour les enfants.


A mon avis, il faut remettre de l'ordre dans ce débat. Or, l'objectif de ce blog sera de regrouper la population étudiante en enseignement, leurs professeurs, les enseignants dans les écoles, leurs directions et les professionnels de recherche en éducation dans un front commun pour se réapproprier et guider le débat sur la réussite scolaire au Québec. Ce blog lance aussi une invitation aux hommes politiques et aux journalistes qui seraient tentés d'utiliser le débat sur la réussite scolaire ou le décrochage scolaire à des fin politique, de venir réfléchir et s'informer sur le sujet.

En réaction à l'article publié dans le devoir le lundi 9 février 2009 : Statistique Canada - le décrochage scolaire a augmenté au Québec sous les libéraux, j'expliquerai dans mon prochain article comment le gouvernement mesure le taux de décrochage scolaire. Ainsi, vous comprendrez comment nos politiciens et les journalistes peuvent affirmer que ça va mal en éducation même si les données utilisées sont facilement discutables...

GlobeCampus.ca Latest Stories - K-12